Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/253

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

étaient, indépendamment des lois et des mœurs, ses chances de durée. En parlant des républiques unies, je n’ai hasardé aucune conjecture sur la permanence des formes républicaines dans le Nouveau-Monde, et faisant souvent allusion à l’activité commerciale qui règne dans l’Union, je n’ai pu cependant m’occuper de l’avenir des Américains comme peuple commerçant.

Ces objets, qui touchent à mon sujet, n’y entrent pas ; ils sont américains sans être démocratiques, et c’est surtout la démocratie dont j’ai voulu faire le portrait. J’ai donc dû les écarter d’abord ; mais je dois y revenir en terminant.

Le territoire occupé de nos jours, ou réclamé par l’Union américaine, s’étend depuis l’océan Atlantique jusqu’aux rivages de la mer du Sud. À l’est ou à l’ouest, ses limites sont donc celles mêmes du continent ; il s’avance au midi sur le bord des Tropiques, et remonte ensuite au milieu des glaces du Nord[1].

Les hommes répandus dans cet espace ne forment point, comme en Europe, autant de rejetons d’une même famille. On découvre en eux, dès le premier abord, trois races naturellement distinctes, et je pourrais presque dire ennemies. L’éducation, la loi, l’origine, et jusqu’à la forme extérieure des traits, avaient élevé entre elles une barrière presque insurmontable ; la fortune les a rassemblées sur le même sol, mais elle les a mêlées sans pouvoir les confondre, et chacune poursuit à part sa destinée.

  1. Voyez la carte à la fin du premier volume.