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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

ÉTAT ACTUEL ET AVENIR PROBABLE DES TRIBUS INDIENNES

QUI HABITENT LE TERRITOIRE POSSÉDÉ PAR L’UNION.

Disparition graduelle des races indigènes. — Comment elle s’opère. — Misères qui accompagnent les migrations forcées des Indiens. — Les sauvages de l’Amérique du Nord n’avaient que deux moyens d’échapper à la destruction : la guerre ou la civilisation. — Ils ne peuvent plus faire la guerre. — Pourquoi ils ne veulent pas se civiliser lorsqu’ils pourraient le faire, et ne le peuvent plus quand ils arrivent à le vouloir. — Exemple des Creeks et des Cherokees. — Politique des États particuliers envers ces Indiens. — Politique du gouvernement fédéral.

Toutes les tribus indiennes qui habitaient autrefois le territoire de la Nouvelle-Angleterre, les Narragansetts, les Mohicans, les Pecots, ne vivent plus que dans le souvenir des hommes ; les Lénapes, qui reçurent Penn, il y a cent cinquante ans, sur les rives de la Delaware, sont aujourd’hui disparus. J’ai rencontré les derniers des Iroquois : ils demandaient l’aumône. Toutes les nations que je viens de nommer s’étendaient jadis jusque sur les bords de la mer ; maintenant il faut faire plus de cent lieues dans l’intérieur du continent pour rencontrer un Indien. Ces sauvages n’ont pas seulement reculé, ils sont détruits[1]. À mesure que les indigènes s’éloignent et meurent, à leur place vient et grandit sans cesse un peuple immense. On n’avait jamais vu parmi les nations un développement si prodigieux, ni une destruction si rapide.

Quant à la manière dont cette destruction s’opère, il est facile de l’indiquer.

  1. Dans les treize États originaires, il ne reste plus que 6,373 Indiens. (Voyez Documents législatifs, 20e congrès, no 117, p. 20.)