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ÉTAT ACTUEL ET AVENIR DES TROIS RACES.

Il me paraît donc certain que si une portion de l’Union voulait sérieusement se séparer de l’autre, non seulement on ne pourrait pas l’en empêcher, mais on ne tenterait même pas de le faire. L’Union actuelle ne durera donc qu’autant que tous les États qui la composent continueront à vouloir en faire partie.

Ce point fixé, nous voici plus à l’aise : il ne s’agit plus de rechercher si les États actuellement confédérés pourront se séparer, mais s’ils voudront rester unis.

Parmi toutes les raisons qui rendent l’union actuelle utile aux Américains, on en rencontre deux principales dont l’évidence frappe aisément tous les yeux.

Quoique les Américains soient pour ainsi dire seuls sur leur continent, le commerce leur donne pour voisins tous les peuples avec lesquels ils trafiquent. Malgré leur isolement apparent, les Américains ont donc besoin d’être forts, et ils ne peuvent être forts qu’en restant tous unis.

Les États, en se désunissant, ne diminueraient pas seulement leur force vis-à-vis des étrangers, ils créeraient des étrangers sur leur propre sol. Dès lors ils entreraient dans un système de douanes intérieures ; ils diviseraient les vallées par des lignes imaginaires ; ils emprisonneraient le cours des fleuves et gêneraient de toutes les manières l’exploitation de l’immense continent que Dieu leur a accordé pour domaine.

Aujourd’hui ils n’ont pas d’invasion à redouter, conséquemment pas d’armées à entretenir, pas d’impôts à lever ; si l’Union venait à se briser, le besoin de