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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

par entrer en lutte : il arrive alors que la grandeur de l’État est ce qui compromet le plus sa durée. Mais si les hommes qui couvrent ce vaste territoire n’ont pas entre eux d’intérêts contraires, son étendue même doit servir à leur prospérité, car l’unité du gouvernement favorise singulièrement l’échange qui peut se faire des différents produits du sol, et en rendant leur écoulement plus facile, il en augmente la valeur.

Or, je vois bien dans les différentes parties de l’Union des intérêts différents, mais je n’en découvre pas qui soient contraires les uns aux autres.

Les États du Sud sont presque exclusivement cultivateurs ; les États du Nord sont, particulièrement manufacturiers et commerçants ; les États de l’Ouest sont en même temps manufacturiers et cultivateurs. Au Sud, on récolte du tabac, du riz, du coton et du sucre ; au Nord et à l’Ouest, du maïs et du blé. Voilà des sources diverses de richesses ; mais pour puiser dans ces sources, il y a un moyen commun et également favorable pour tous, c’est l’union.

Le Nord, qui charrie les richesses des Anglo-Américains dans toutes les parties du monde, et les richesses de l’univers dans le sein de l’Union, a un intérêt évident à ce que la confédération subsiste telle qu’elle est de nos jours, afin que le nombre des producteurs et des consommateurs américains qu’il est appelé à servir, reste le plus grand possible. Le Nord est l’entremetteur le plus naturel entre le Sud et l’Ouest de l’Union, d’une part, et de l’autre le reste du monde ; le Nord doit donc désirer que le Sud et l’Ouest restent unis et prospères, afin qu’ils four-