Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 2.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
365
ÉTAT ACTUEL ET AVENIR DES TROIS RACES.

objet, et la seconde Union périrait comme la première par une sorte d’imbécillité sénile.

L’affaiblissement graduel du lien fédéral, qui conduit finalement à l’annulation de l’Union, est d’ailleurs en lui-même un fait distinct qui peut amener beaucoup d’autres résultats moins extrêmes avant de produire celui-là. La confédération existerait encore, que déjà la faiblesse de son gouvernement pourrait réduire la nation à l’impuissance, causer l’anarchie au-dedans et le ralentissement de la prospérité générale du pays.

Après avoir recherché ce qui porte les Anglo-Américains à se désunir, il est donc important d’examiner si, l’Union subsistant, leur gouvernement agrandit la sphère de son action ou la resserre, s’il devient plus énergique ou plus faible.

Les Américains sont évidemment préoccupés d’une grande crainte. Ils s’aperçoivent que chez la plupart des peuples du monde, l’exercice des droits de la souveraineté tend à se concentrer en peu de mains, et ils s’effrayent à l’idée qu’il finira par en être ainsi chez eux. Les hommes d’État eux-mêmes éprouvent ces terreurs, ou du moins feignent de les éprouver ; car en Amérique, la centralisation n’est point populaire, et on ne saurait courtiser plus habilement la majorité qu’en s’élevant contre les prétendus empiétements du pouvoir central. Les Américains refusent de voir que dans les pays où se manifeste cette tendance centralisante qui les effraie, on ne rencontre qu’un seul peuple, tandis que l’Union est une confédération de peuples différents ; fait qui suffit pour déranger toutes les prévisions fondées sur l’analogie.