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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

mêmes passions qui tendent à rendre les États indépendants du pouvoir central tendent à la destruction de la Banque.

La Banque des États-Unis possède toujours en ses mains un grand nombre de billets appartenant aux banques provinciales ; elle peut chaque jour obliger ces dernières à rembourser leurs billets en espèces. Pour elle au contraire un pareil danger n’est point à craindre ; la grandeur de ses ressources disponibles lui permet de faire face à toutes les exigences. Menacées ainsi dans leur existence, les banques provinciales sont forcées d’user de retenue, et de ne mettre dans la circulation qu’un nombre de billets proportionné à leur capital. Les banques provinciales ne souffrent qu’avec impatience ce contrôle salutaire. Les journaux qui leur sont vendus, et le président que son intérêt a rendu leur organe, attaquent donc la Banque avec une sorte de fureur. Ils soulèvent contre elle les passions locales et l’aveugle instinct démocratique du pays. Suivant eux, les directeurs de la Banque forment un corps aristocratique et permanent dont l’influence ne peut manquer de se faire sentir dans le gouvernement, et doit altérer tôt ou tard les principes d’égalité sur lesquels repose la société américaine.

La lutte de la Banque contre ses ennemis n’est qu’un incident du grand combat que livrent en Amérique les provinces au pouvoir central ; l’esprit d’indépendance et de démocratie, à l’esprit de hiérarchie et de subordination. Je ne prétends point que les ennemis de la Banque des États-Unis soient précisément les mêmes individus qui, sur d’autres points, atta-