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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

l’ordre ou l’anarchie, n’ont influé que d’une manière insensible sur le développement successif des Anglo-Américains.

Ceci se comprend sans peine : il n’existe pas de causes assez générales pour se faire sentir à la fois sur tous les points d’un si immense territoire. Ainsi il y a toujours une grande portion de pays où l’on est assuré de trouver un abri contre les calamités qui frappent l’autre, et quelque grands que soient les maux, le remède offert est toujours plus grand encore.

Il ne faut donc pas croire qu’il soit possible d’arrêter l’essor de la race anglaise du Nouveau-Monde. Le démembrement de l’Union, en amenant la guerre sur le continent, l’abolition de la république, en y introduisant la tyrannie, peuvent retarder ses développements, mais non l’empêcher d’atteindre le complément nécessaire de sa destinée. Il n’y a pas de pouvoir sur la terre qui puisse fermer devant les pas des émigrants ces fertiles déserts ouverts de toutes parts à l’industrie et qui présentent un asile à toutes les misères. Les événements futurs, quels qu’ils soient, n’enlèveront aux Américains, ni leur climat, ni leurs mers intérieures, ni leurs grands fleuves, ni la fertilité de leur sol. Les mauvaises lois, les révolutions et l’anarchie, ne sauraient détruire parmi eux le goût du bien-être et l’esprit d’entreprise qui semble le caractère distinctif de leur race, ni éteindre tout-à-fait les lumières qui les éclairent.

Ainsi, au milieu de l’incertitude de l’avenir, il y a du moins un événement qui est certain. À une époque que nous pouvons dire prochaine, puisqu’il s’agit