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SUR LES SENTIMENTS DES AMÉRICAINS.

contrer dans les mêmes lieux ; en un mot, de vivre de la même manière et de poursuivre la richesse par les mêmes moyens, sans prendre tous la même part au gouvernement.

Une sorte d’égalité peut même s’établir dans le monde politique, quoique la liberté politique n’y soit point. On est l’égal de tous ses semblables, moins un, qui est, sans distinction, le maître de tous, et qui prend également, parmi tous, les agents de son pouvoir.

Il serait facile de faire plusieurs autres hypothèses suivant lesquelles une fort grande egalité pourrait aisément se combiner avec des institutions plus ou moins libres, ou même avec des institutions qui ne le seraient point du tout.

Quoique les hommes ne puissent devenir absolument égaux sans être entièrement libres, et que par conséquent l’égalité, dans son degré le plus extrême, se confonde avec la liberté, on est donc fondé à distinguer l’une de l’autre.

Le goût que les hommes ont pour la liberté, et celui qu’ils ressentent pour l’égalité, sont, en effet, deux choses distinctes, et je ne crains pas d’ajouter que, chez les peuples démocratiques, ce sont deux choses inégales.

Si l’on veut y faire attention, on verra qu’il se rencontre dans chaque siècle un fait singulier et dominant auquel les autres se rattachent ; ce fait