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SUR LES SENTIMENTS DES AMÉRICAINS.

Dans les sociétés démocratiques, ces deux idées sont au contraire toujours visiblement unies. Comme le désir de bien-être est universel, que les fortunes sont médiocres et passagères, que chacun a besoin d’accroître ses ressources ou d’en préparer de nouvelles à ses enfants, tous voient bien clairement que c’est le gain qui est sinon en tout, du moins en partie, ce qui les porte au travail. Ceux mêmes qui agissent principalement en vue de la gloire s’apprivoisent forcément avec cette pensée qu’ils n’agissent pas uniquement par cette vue, et ils découvrent, quoi qu’ils en aient, que le désir de vivre se mêle chez eux au désir d’illustrer leur vie.

Du moment où, d’une part, le travail semble à tous les citoyens une nécessité honorable de la condition humaine, et où, de l’autre, le travail est toujours visiblement fait, en tout ou en partie, par la considération du salaire, l’immense espace qui séparait les différentes professions dans les sociétés aristocratiques disparaît. Si elles ne sont pas toutes pareilles, elles ont du moins un trait semblable.

Il n’y a pas de profession où l’on ne travaille pas pour de l’argent. Le salaire, qui est commun à toutes, donne à toutes un air de famille.

Ceci sert à expliquer les opinions que les Américains entretiennent relativement aux diverses professions.