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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

La seconde se compose des vérités générales qui, tenant encore à la théorie pure, mènent cependant par un chemin direct et court à la pratique.

Les procédés d’application et les moyens d’exécution remplissent la troisième.

Chacune de ces différentes portions de la science peut être cultivée à part, bien que la raison et l’expérience fassent connaître qu’aucune d’elles ne saurait prospérer longtemps, quand on la sépare absolument des deux autres.

En Amérique la partie purement pratique des sciences est admirablement cultivée, et l’on s’y occupe avec soin de la portion théorique immédiatement nécessaire à l’application ; les Américains font voir de ce côté un esprit toujours net, libre, original et fécond ; mais il n’y a presque personne, aux États-Unis, qui se livre à la portion essentiellement théorique et abstraite des connaissances humaines. Les Américains montrent en ceci l’excès d’une tendance qui se retrouvera, je pense, quoique à un degré moindre, chez tous les peuples démocratiques.

Rien n’est plus nécessaire à la culture des hautes sciences, ou de la portion élevée des sciences, que la méditation, et il n’y a rien de moins propre à la méditation que l’intérieur d’une société démocratique. On n’y rencontre pas, comme chez les peuples aristocratiques, une