Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
SUR LES MOEURS PROPREMENT DITES.

d’acquérir des lumières et de l’expérience, ils ne les laissent pas faire.

Je sais bien qu’en cette matière les institutions publiques elles-mêmes peuvent beaucoup; elles favorisent ou contraignent les instincts qui naissent de l’état social. Je ne soutiens donc pas, je le répète, qu’un peuple soit à l’abri des révolutions par cela seul que, dans son sein, les conditions sont égales ; mais le crois que, quelles que soient les institutions d’un pareil peuple, les grandes révolutions y seront toujours infiniment moins violentes et plus rares qu’on ne le suppose ; et j’entrevois aisément tel état politique qui, venant à se combiner avec l’égalité, rendrait la société plus stationnaire qu’elle ne l’a jamais été dans notre occident.

Ce que je viens de dire des faits s’applique en partie aux idées.

Deux choses étonnent aux États-Unis ; la grande mobilité de la plupart des actions humaines, et la fixité singulière de certains principes. Les hommes remuent sans cesse, l’esprit humain semble presque immobile.

Lorsqu’une opinion s’est une fois étendue sur le sol américain et y a pris racine, on dirait que nul pouvoir sur la terre n’est en état de l’extirper. Aux États-Unis, les doctrines générales en matière de religion, de philosophie, de morale et