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SUR LES MOEURS PROPREMENT DITES.

pu marcher que pas à pas. Si l’on considère une armée démocratique après une longue paix, on voit avec surprise que tous les soldats sont voisins de l’enfance et tous les chefs sur le déclin ; de telle sorte que les premiers manquent d’expérience et les seconds de vigueur.

Cela est une grande cause de revers ; car la première condition pour bien conduire la guerre, est d’être jeune ; je n’aurais pas osé le dire, si le plus grand capitaine des temps modernes ne l’avait dit.

Ces deux causes n’agissent pas de la même manière sur les armées aristocratiques.

Comme on y avance par droit de naissance bien plus que par droit d’ancienneté, il se rencontre toujours dans tous les grades un certain nombre d’hommes jeunes, et qui apportent à la guerre toute la première énergie du corps et de l’âme.

De plus, comme les hommes qui recherchent les honneurs militaires chez un peuple aristocratique ont une position assurée dans la société civile, ils attendent rarement que les approches de la vieillesse les surprennent dans l’armée. Après avoir consacré à la carrière des armes les plus vigoureuses années de leur jeunesse, ils se retirent d’eux-mêmes et vont user dans leurs foyers les restes de leur âge mûr.

Une longue paix ne remplit pas seulement les