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SUR LA SOCIÉTÉ POLITIQUE.

rêts particuliers portent à centraliser l’administration publique, indépendamment de la haine pour le gouvernement du voisin, qui est un sentiment général et permanent chez les peuples démocratiques. On peut remarquer que, de notre temps, ce sont les classes inférieures d’Angleterre qui travaillent de toutes leurs forces à détruire l’indépendance locale et à transporter l’administration de tous les points de la circonférence au centre, tandis que les classes supérieures s’efforcent de retenir cette même administration dans ses anciennes limites. J’ose prédire qu’un jour viendra où l’on verra un spectacle tout contraire.

Ce qui précède fait bien comprendre pourquoi le pouvoir social doit toujours être plus fort et l’individu plus faible, chez un peuple démocratique qui est arrivé à l’égalité par un long et pénible travail social, que dans une société démocratique où, depuis l’origine, les citoyens ont toujours été égaux. C’est ce que l’exemple des Américains achève de prouver.

Les hommes qui habitent les États-Unis n’ont jamais été séparés par aucun privilège ; ils n’ont jamais connu la relation réciproque d’inférieur et de maître, et, comme ils ne se redoutent et ne se haïssent point les uns les autres, ils n’ont jamais connu le besoin d’appeler le souverain à diriger le