Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/132

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Paris même, à l’époque des guerres de religion, était, comparativement au reste du royaume, aussi peuplé qu’il pouvait l’être en 1789. Néanmoins il ne put rien décider. Du temps de la Fronde, Paris n’est encore que la plus grande ville de France. En 1789, il est déjà la France même.

Dès 1740 Montesquieu écrivait à un de ses amis : « Il n’y a en France que Paris et les provinces éloignées, parce que Paris n’a pas encore eu le temps de les dévorer. » En 1750, le marquis de Mirabeau, esprit chimérique, mais parfois profond, dit, parlant de Paris sans le nommer : « Les capitales sont nécessaires ; mais, si la tête devient trop grosse, le corps devient apoplectique, et tout périt. Que sera-ce donc si, en abandonnant les provinces à une sorte de dépendance directe et en n’en regardant les habitants que comme des régnicoles de second ordre, pour ainsi dire, si, en n’y laissant aucun moyen de considération et aucune carrière à l’ambition, on attire tout ce qui a quelque talent dans cette capitale ! » Il appelle cela une espèce de révolution sourde qui dépeuple les provinces de leurs notables, gens d’affaires, et de ce que l’on nomme gens d’esprit.

Le lecteur qui a lu attentivement les précédents chapitres connaît déjà les causes de ce phénomène  ; ce serait abuser de sa patience que de les indiquer de nouveau ici.

Cette révolution n’échappait pas au gouvernement, mais elle ne le frappait que sous sa forme la plus matérielle, l’accroissement de la ville. Il voyait Paris s’é-