Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/15

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Là, comme je m’y attendais, j’ai trouvé l’ancien régime tout vivant, ses idées, ses passions, ses préjugés, ses pratiques. Chaque homme y parlait librement sa langue et y laissait pénétrer ses plus intimes pensées. J’ai achevé ainsi d’acquérir sur l’ancienne société beaucoup de notions que les contemporains ne possédaient pas ; car j’avais sous les yeux ce qui n’a jamais été livré à leurs regards.

À mesure que j’avançais dans cette étude, je m’étonnais en revoyant à tous moments dans la France de ce temps beaucoup de traits qui frappent dans celle de nos jours. J’y retrouvais une foule de sentiments que j’avais crus nés de la Révolution, une foule d’idées que j’avais pensé jusque-là ne venir que d’elle, mille habitudes qu’elle passe pour nous avoir seule données ; j’y rencontrais partout les racines de la société actuelle profondément implantées dans ce vieux sol. Plus je me rapprochais de 1789, plus j’apercevais distinctement l’esprit qui a fait la Révolution se former, naître et grandir. Je voyais peu à peu se découvrir à mes yeux toute la physionomie de cette Révolution. Déjà elle annonçait son tempérament, son génie ; c’était elle-même. Là je trouvais non-seulement la raison de ce qu’elle allait faire

    rapportent à une généralité très-vaste, placée au centre de la France et peuplée d’un million d’habitants. Je dois ici des remerciements au jeune et habile archiviste qui en a le dépôt, M. Grandmaison. D’autres généralités, entre autres celle d’Ile-de-France, m’ont fait voir que les choses se passaient de la même manière dans la plus grande partie du royaume.