Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/171

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dix-huitième siècle, c’est le pauvre qui jouit, en Angleterre, du privilège d’impôt ; en France, c’est le riche. Là, l’aristocratie a pris pour elle les charges publiques les plus lourdes, afin qu’on lui permît de gouverner ; ici, elle a retenu jusqu’à la fin l’immunité d’impôt pour se consoler d’avoir perdu le gouvernement.

Au quatorzième siècle, la maxime : N’impose qui ne veut, paraît aussi solidement établie en France qu’en Angleterre même. On la rappelle souvent : y contrevenir semble toujours acte de tyrannie ; s’y conformer, rentrer dans le droit. À cette époque, on rencontre, ainsi que je l’ai dit, une foule d’analogies entre nos institutions politiques et celles des Anglais ; mais alors les destinées des deux peuples se séparent et vont toujours devenant plus dissemblables à mesure que le temps marche. Elles ressemblent à deux lignes qui, partant de points voisins, mais dans une inclinaison un peu différente, s’écartent ensuite indéfiniment à mesure qu’elles s’allongent.

J’ose affirmer que, du jour où la nation, fatiguée des longs désordres qui avaient accompagné la captivité du roi Jean et la démence de Charles VI, permit aux rois d’établir un impôt général sans son concours, et où la noblesse eut la lâcheté de laisser taxer le tiers-état pourvu qu’on l’exceptât elle-même ; de ce jour-là fut semé le germe de presque tous les vices et de presque tous les abus qui ont travaillé l’ancien régime pendant le reste de sa vie et ont fini par causer violemment