Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/18

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ou asservies ; et, tout en enlevant à la nation la faculté de se gouverner, les principales garanties du droit, la liberté de penser, de parler et d’écrire, c’est-à-dire ce qu’il y avait eu de plus précieux et de plus noble dans les conquêtes de 89, se pare encore de ce grand nom.

Je m’arrêterai au moment où la Révolution me paraîtra avoir à peu près accompli son œuvre et enfanté la société nouvelle. Je considérerai alors cette société même ; je tâcherai de discerner en quoi elle ressemble à ce qui l’a précédée, en quoi elle en diffère, ce que nous avons perdu dans cet immense remuement de toutes choses, ce que nous y avons gagné, et j’essayerai enfin d’entrevoir notre avenir.

Une partie de ce second ouvrage est ébauchée, mais encore indigne d’être offerte au public. Me sera-t-il donné de l’achever ? Qui peut le dire ? La destinée des individus est encore bien plus obscure que celle des peuples.

J’espère avoir écrit le présent livre sans préjugé, mais je ne prétends pas l’avoir écrit sans passion. Il serait à peine permis à un Français de n’en point ressentir quand il parle de son pays et songe à son temps. J’avoue donc qu’en étudiant notre ancienne société dans chacune de ses parties, je n’ai jamais perdu entièrement de vue la nouvelle. Je n’ai pas seulement voulu voir à quel mal le malade avait succombé, mais comment il aurait pu