Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/225

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Mais quand le bourgeois eut été ainsi bien isolé du gentilhomme, et le paysan du gentilhomme et du bourgeois ; lorsque, un travail analogue se continuant au sein de chaque classe, il se fut fait dans l’intérieur de chacune d’elles de petites agrégations particulières, presque aussi isolées les unes des autres que les classes l’étaient entre elles, il se trouva que le tout ne composait plus qu’une masse homogène, mais dont les parties n’étaient plus liées. Rien n’était plus organisé pour gêner le gouvernement ; rien, non plus, pour l’aider. De telle sorte que l’édifice entier de la grandeur de ces princes put s’écrouler tout ensemble et en un moment, dès que la société qui lui servait de base s’agita.

Et ce peuple enfin, qui semble seul avoir tiré profit des fautes et des erreurs de tous ses maîtres, s’il a échappé, en effet, à leur empire, il n’a pu se soustraire au joug des idées fausses, des habitudes vicieuses, des mauvais penchants qu’ils lui avaient donnés ou laissé prendre. On l’a vu parfois transporter les goûts d’un esclave jusque dans l’usage même de sa liberté, aussi incapable de se conduire lui-même qu’il s’était montré dur pour ses précepteurs.