Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/252

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que l’incrédulité s’établit d’abord dans l’esprit de ceux-là mêmes qui avaient l’intérêt le plus personnel et le plus pressant à retenir l’État dans l’ordre et le peuple dans l’obéissance. Non seulement ils l’accueillirent, mais dans leur aveuglement ils la répandirent au-dessous d’eux ; ils firent de l’impiété une sorte de passe-temps de leur vie oisive.

L’Église de France, jusque-là si fertile en grands orateurs, se sentant ainsi désertée de tous ceux qu’un intérêt commun devait rattacher à sa cause, devint muette. On put croire un moment que, pourvu qu’on lui conservât ses richesses et son sang, elle était prête à passer condamnation sur sa croyance.

Ceux qui niaient le christianisme élevant la voix et ceux qui croyaient encore faisant silence, il arriva ce qui s’est vu si souvent depuis parmi nous, non-seulement en fait de religion, mais en toute autre matière : les hommes qui conservaient l’ancienne foi craignirent d’être les seuls à lui rester fidèles, et, redoutant plus l’isolement que l’erreur, ils se joignirent à la foule sans penser comme elle. Ce qui n’était encore que le sentiment d’une partie de la nation parut ainsi l’opinion de tous, et sembla dès lors irrésistible aux yeux mêmes de ceux qui lui donnaient cette fausse apparence.

Le discrédit universel dans lequel tombèrent toutes les croyances religieuses à la fin du siècle dernier, a exercé sans aucun doute la plus grande influence sur toute notre révolution ; il en a marqué le caractère. Rien