Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/279

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fermages ne cesse de s’élever, à chaque renouvellement, avec une rapidité croissante. Le bail de 1786 donne 14 millions de plus que celui de 1780. « On peut compter que le produit de tous les droits des consommations augmente de 2 millions par an, » dit Necker dans le compte rendu de 1781.

Arthur Young assure qu’en 1788 Bordeaux faisait plus de commerce que Liverpool ; et il ajoute : « Dans ces derniers temps, les progrès du commerce maritime ont été plus rapides en France qu’en Angleterre même ; ce commerce y a doublé depuis vingt ans. »

Si l’on veut faire attention à la différence des temps, on se convaincra qu’à aucune des époques qui ont suivi la Révolution, la prospérité publique ne s’est développée plus rapidement que pendant les vingt années qui la précédèrent. Les trente-sept ans de monarchie constitutionnelle, qui furent pour nous des temps de paix et de progrès rapides, peuvent seuls se comparer, sous ce rapport, au règne de Louis XVI.

La vue de cette prospérité déjà si grande et si croissante a lieu d’étonner, si l’on songe à tous les vices que renfermait encore le gouvernement et à toutes les gênes que rencontrait encore l’industrie ; il se peut même que beaucoup de politiques nient le fait parce qu’ils ne peuvent l’expliquer, jugeant, comme le médecin de Molière, qu’un malade ne saurait guérir contre les règles. Comment croire, en effet, que la France pût prospérer et s’enrichir avec l’inégalité des charges, la diversité des coutumes, les douanes intérieures, les droits féodaux,