Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/282

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dérée, plus égale que dans le reste de la France. Il faut lire le règlement qui l’améliore, en 1772, si l’on veut comprendre ce que pouvait alors un intendant pour le bien-être comme pour la misère de toute une province. Vu dans ce règlement, l’impôt a déjà un tout autre aspect. Des commissaires du gouvernement se rendent tous les ans dans chaque paroisse ; la communauté s’assemble en leur présence ; la valeur des biens est publiquement établie, les facultés de chacun contradictoirement reconnues ; la taille s’asseoit enfin avec le concours de tous ceux qui doivent la payer. Plus d’arbitraire du syndic, plus de violences inutiles. La taille conserve sans doute les vices qui lui sont inhérents, quel que soit le système de la perception ; elle ne pèse que sur une classe de contribuables, et y frappe l’industrie comme la propriété ; mais sur tout le reste elle diffère profondément de ce qui porte encore son nom dans les généralités voisines.

Nulle part, au contraire, l’ancien régime ne s’était mieux conservé que le long de la Loire, vers son embouchure, dans les marécages du Poitou et dans les landes de la Bretagne. C’est précisément là que s’alluma et se nourrit le feu de la guerre civile, et qu’on résista le plus violemment et le plus longtemps à la Révolution ; de telle sorte qu’on dirait que les Français ont trouvé leur position d’autant plus insupportable qu’elle devenait meilleure.

Une telle vue étonne ; l’histoire est toute remplie de pareils spectacles.