Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/311

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du pays. Dans chaque village, un corps municipal élu prit également la place des anciennes assemblées de paroisse, et, dans la plupart des cas, du syndic.

Une législation si contraire à celle qui l’avait précédée, et qui changeait si complètement, non-seulement l’ordre des affaires, mais la position relative des hommes, dut être appliquée partout à la fois, et partout à peu près de la même manière, sans aucun égard aux usages antérieurs ni à la situation particulière des provinces ; tant le génie unitaire de la Révolution possédait déjà ce vieux gouvernement que la Révolution allait abattre.

On vit bien alors la part que prend l’habitude dans le jeu des institutions politiques, et comment les hommes se tirent plus aisément d’affaire avec des lois obscures et compliquées, dont ils ont depuis longtemps la pratique, qu’avec une législation plus simple qui leur est nouvelle.

Il y avait en France, sous l’ancien régime, toutes sortes de pouvoirs qui variaient à l’infini, suivant les provinces, et dont aucun n’avait de limites fixes et bien connues, de telle sorte que le champ d’action de chacun d’eux était toujours commun à plusieurs autres. Cependant on avait fini par établir un ordre régulier et assez facile dans les affaires ; tandis que les nouveaux pouvoirs, qui étaient en plus petit nombre, soigneusement limités et semblables entre eux, se rencontrèrent et s’enchevêtrèrent aussitôt les uns dans les autres au milieu de la plus grande confusion, et souvent se réduisirent mutuellement à l’impuissance.