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Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/328

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vieilles institutions qu’il s’agissait de détruire, on ne pouvait douter que cette révolution ne dût ébranler la religion en même temps qu’elle renverserait le pouvoir civil ; dès lors il était impossible de dire à quelles témérités inouïes pouvait s’emporter l’esprit des novateurs, délivrés à la fois de toutes les gênes que la religion, les coutumes et les lois imposent à l’imagination des hommes.

Et celui qui eût bien étudié l’état du pays eût aisément prévu qu’il n’y avait pas de témérité si inouïe qui ne peut y être tentée, ni de violence qui ne dût y être soufferte.

« Eh quoi ! s’écrie Burke dans un de ses éloquents pamphlets, on n’aperçoit pas un homme qui puisse répondre pour le plus petit district ; bien plus, on n’en voit pas un qui puisse répondre d’un autre. Chacun est arrêté dans sa maison sans résistance, qu’il s’agisse du royalisme, de modérantisme ou de toute autre chose. » Burke savait mal dans quelles conditions cette monarchie qu’il regrettait nous avait laissée à nos nouveaux maîtres. L’administration de l’ancien régime avait d’avance ôté aux Français la possibilité et l’envie de s’entr’aider. Quand la Révolution survint, on aurait vainement cherché dans la plus grande partie de la France dix hommes qui eussent l’habitude d’agir en commun d’une manière régulière et de veiller eux-mêmes à leur propre défense ; le pouvoir central devait s’en charger, de telle sorte que ce pouvoir central, étant tombé des mains de l’administration royale dans celles d’une