Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/339

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tous les pays d’États ; il contenait plus de deux mille communes, ou, comme on disait alors, de communautés, et comptait près de deux millions d’habitants. Il était, de plus, le mieux ordonné et le plus prospère de tous ces pays, comme le plus grand. Le Languedoc est donc bien choisi pour faire voir ce que pouvait être la liberté provinciale sous l’ancien régime, et à quel point, dans les contrées mêmes où elle paraissait la plus forte, on l’avait subordonnée au pouvoir royal.

En Languedoc, les États ne pouvaient s’assembler que sur un ordre exprès du roi et après une lettre de convocation adressée par lui individuellement chaque année à tous les membres qui devaient les composer ; ce qui fit dire à un frondeur du temps : « Des trois corps qui composent nos États, l’un, le clergé, est à la nomination du roi, puisque celui-ci nomme aux évêchés et aux bénéfices, et les deux autres sont censés y être, puisqu’un ordre de la cour peut empêcher tel membre qu’il lui plait d’y assister, sans que pour cela on ait besoin de l’exiler ou de lui faire son procès. Il suffit de ne point le convoquer. »

Les États devaient non-seulement se réunir, mais se séparer à certains jours indiqués par le roi. La durée ordinaire de leur session avait été fixée à quarante jours par un arrêt du conseil. Le roi était représenté dans l’assemblée par des commissaires qui y avaient toujours entrée quand ils le demandaient, et qui étaient chargés d’y exposer les volontés du gouvernement. Ils étaient, de plus, étroitement tenus en tutelle. Ils ne pouvaient