Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/40

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taines révolutions religieuses. Aussi c’est à des révolutions religieuses qu’il faut comparer la Révolution française, si l’on veut se faire comprendre à l’aide de l’analogie.

Schiller remarque avec raison, dans son Histoire de la guerre de Trente-Ans, que la grande réforme du seizième siècle eut pour effet de rapprocher tout à coup les uns des autres des peuples qui se connaissaient à peine, et de les unir étroitement par des sympathies nouvelles. On vit, en effet, alors des Français combattre contre des Français, tandis que des Anglais leur venaient en aide ; des hommes nés au fond de la Baltique pénétrèrent jusqu’au cœur de l’Allemagne pour y protéger des Allemands dont ils n’avaient jamais entendu parler jusque-là. Toutes les guerres étrangères prirent quelque chose des guerres civiles ; dans toutes les guerres civiles des étrangers parurent. Les anciens intérêts de chaque nation furent oubliés pour des intérêts nouveaux ; aux questions de territoire succédèrent des questions de principes. Toutes les règles de la diplomatie se trouvèrent mêlées et embrouillées, au grand étonnement et à la grande douleur des politiques de ce temps-là. C’est précisément ce qui arriva en Europe après 1789.

La Révolution française est donc une révolution politique qui a opéré à la manière et qui a pris en quelque chose l’aspect d’une révolution religieuse. Voyez par quels traits particuliers et caractéristiques elle achève de ressembler à ces dernières : non-seulement elle se