Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/58

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mées de Frédéric II et de Marie-Thérèse ont été de véritables serfs.

Dans la plupart des États d’Allemagne, en 1788, le paysan ne peut quitter la seigneurie, et, s’il la quitte, on peut le poursuivre partout où il se trouve et l’y ramener de force. Il y est soumis à la justice dominicale, qui surveille sa vie privée et punit son intempérance et sa paresse. Il ne peut ni s’élever dans sa position, ni changer de profession, ni se marier sans le bon plaisir du maître. Une grande partie de son temps doit être consacrée au service de celui-ci. Plusieurs années de sa jeunesse doivent s’écouler dans la domesticité du manoir. La corvée seigneuriale existe dans toute sa force et peut s’étendre, dans certains pays, jusqu’à trois jours par semaine. C’est le paysan qui rebâtit et entretient les bâtiments du seigneur, mène ses denrées au marché, le conduit lui-même, et est chargé de porter ses messages. Le serf peut cependant devenir propriétaire foncier, mais sa propriété reste toujours très-imparfaite. Il est obligé de cultiver son champ d’une certaine manière, sous l’œil du seigneur ; il ne peut ni l’aliéner ni l’hypothéquer à sa volonté. Dans certains cas, on le force d’en vendre les produits  ; dans d’autres on l’empêche de les vendre ; pour lui, la culture est toujours obligatoire. Sa succession même ne passe pas tout entière à ses enfants : une partie en est d’ordinaire retenue par la seigneurie.

Je ne recherche pas ces dispositions dans des lois surannées, je les rencontre jusque dans le code préparé