Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/61

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« Les terres se vendent toujours au-delà de leur valeur, dit un excellent observateur contemporain ; ce qui tient à la passion qu’ont tous les habitants pour devenir propriétaires. Toutes les épargnes des basses classes, qui ailleurs sont placées sur des particuliers et dans les fonds publics, sont destinées en France à l’achat des terres. »

Parmi toutes les choses nouvelles qu’Arthur Young aperçoit chez nous, quand il nous visite pour la première fois, il n’y en a aucune qui le frappe davantage que la grande division du sol parmi les paysans ; il affirme que la moitié du sol de la France leur appartient en propre. « Je n’avais nulle idée, dit-il souvent, d’un pareil état de choses »  ; et, en effet, un pareil état de choses ne se trouvait alors nulle part ailleurs qu’en France ou dans son voisinage le plus proche.

En Angleterre il y avait eu des paysans propriétaires, mais on en rencontrait déjà beaucoup moins. En Allemagne on avait vu, de tout temps et partout, un certain nombre de paysans libres et qui possédaient en toute propriété des portions du sol. Les lois particulières et souvent bizarres qui régissaient la propriété du paysan se retrouvent dans les plus vieilles coutumes germaniques ; mais cette sorte de propriété a toujours été un fait exceptionnel, et le nombre de ces petits propriétaires fonciers fort petit.

Les contrées de l’Allemagne où, à la fin du dix-huitième siècle, le paysan était propriétaire et à peu près aussi libre qu’en France, sont situées, la plupart, le long