Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/65

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L’Angleterre était administrée aussi bien que gouvernée par les principaux propriétaires du sol. Dans les portions mêmes de l’Allemagne où les princes étaient le mieux parvenus, comme en Prusse et en Autriche, à se soustraire à la tutelle des nobles dans les affaires générales de l’État, ils leur avaient en grande partie conservé l’administration des campagnes, et, s’ils étaient allés dans certains endroits jusqu’à contrôler le seigneur, nulle part ils n’avaient encore pris sa place.

À vrai dire, les nobles français ne touchaient plus depuis longtemps à l’administration publique que par un seul point, la justice. Les principaux d’entre eux avaient conservé le droit d’avoir des juges qui décidaient certains procès en leur nom, et faisaient encore de temps en temps des règlements de police dans les limites de la seigneurie ; mais le pouvoir royal avait graduellement écourté, limité, subordonné la justice seigneuriale, à ce point que les seigneurs qui l’exerçaient encore la considéraient moins comme un pouvoir que comme un revenu.

Il en était ainsi de tous les droits particuliers de la noblesse. La partie politique avait disparu ; la portion pécuniaire seule était restée, et quelquefois s’était fort accrue.

Je ne veux parler en ce moment que de cette portion des privilèges utiles qui portait par excellence le nom de droits féodaux, parce que ce sont ceux-là particulièrement qui touchent le peuple.

Il est malaisé de dire aujourd’hui en quoi ces droits