Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/92

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de réveiller en lui ce patriotisme municipal qui a fait tant de merveilles dans le moyen-âge : il reste sourd. Les plus grands intérêts de la ville semblent ne plus le toucher. On voudrait qu’il allât voter, là où on a cru devoir conserver la vaine image d’une élection libre : il s’entête à s’abstenir. Rien de plus commun qu’un pareil spectacle dans l’histoire. Presque tous les princes qui ont détruit la liberté ont tenté d’abord d’en maintenir les formes : cela s’est vu depuis Auguste jusqu’à nos jours ; ils se flattaient ainsi de réunir à la force morale que donne toujours l’assentiment public les commodités que la puissance absolue peut seule offrir. Presque tous ont échoué dans cette entreprise, et ont bientôt découvert qu’il était impossible de faire durer longtemps ces menteuses apparences là où la réalité n’était plus.

Au dix-huitième siècle, le gouvernement municipal des villes avait donc dégénéré partout en une petite oligarchie. Quelques familles y conduisaient toutes les affaires dans des vues particulières, loin de l’œil du public et sans être responsables envers lui : c’est une maladie dont cette administration est atteinte dans la France entière. Tous les intendants la signalent  ; mais le seul remède qu’ils imaginent, c’est d’assujettir de plus en plus les pouvoirs locaux au gouvernement central.

Il était cependant difficile de le mieux faire qu’on ne l’avait déjà fait ; indépendamment des édits qui de temps à autre modifient l’administration de toutes les villes, les lois particulières à chacune d’elles sont sou-