n’allait bien haut, mais qui tous étaient très agréables à voir passer. Malheureusement il était fort enclin à transporter dans la littérature l’esprit des salons, et dans la politique l’esprit littéraire. Ce que j’appelle l’esprit littéraire en politique consiste à rechercher ce qui est ingénieux et neuf plus que ce qui est vrai, à aimer ce qui fait tableau plus que ce qui sert, à se montrer très sensible au bien jouer et au bien dire des acteurs, indépendamment des conséquences de la pièce, et à se décider enfin par des impressions plutôt que par des raisons. Je n’ai pas besoin de dire que ce travers se rencontre ailleurs que dans les académiciens. À vrai dire, toute la nation en tient un peu, et le peuple français, pris en masse, juge très souvent en politique comme un homme de lettres. Ampère méprisait fort le gouvernement qui tombait, et les derniers actes de ce gouvernement l’avaient beaucoup irrité. Il venait d’ailleurs d’être témoin, parmi les insurgés, de traits de désintéressement, de générosité même et de courage : l’émotion populaire l’avait gagné.
Je vis que non seulement il n’entrait pas dans mon sentiment, mais qu’il était disposé à en prendre un tout contraire ; cette vue fit tourner, tout à coup, contre Ampère tous les sentiments d’indignation, de douleur et de colère qui s’accumulaient depuis le matin