n’ai jamais aperçu sur un seul point tant d’hommes armés de ma vie, et je pense que peu en ont vu davantage ; indépendamment de la foule innombrable de curieux que renfermait le Champ de Mars, on y apercevait un peuple tout entier sous les armes ; le Moniteur évalua à trois cent mille le nombre des gardes nationaux et des soldats de ligne qui se trouvaient là, ce qui me parut exagéré, mais je ne pense pas qu’on puisse en réduire le nombre à moins de deux cent mille.
Le spectacle de ces deux cent mille baïonnettes ne sortira jamais de ma mémoire. Comme les hommes qui les portaient étaient étroitement serrés les uns contre les autres, afin de pouvoir tenir entre les talus du Champ de Mars et que, d’ailleurs, du lieu peu élevé que nous occupions, nous ne pouvions jeter sur elles que des regards presque horizontaux, elles ne formaient à l’œil qu’une surface plane et légèrement ondoyante, qui miroitait au soleil, et faisaient ressembler le Champ de Mars à un grand lac rempli d’acier liquide.
Tous ces hommes défilèrent successivement devant nous ; il y avait, dans cette armée, bien plus de fusils que d’uniformes.
Les légions des quartiers riches présentaient seules un très grand nombre de gardes nationaux revêtus de l’habit militaire. Ce furent les premières qui parurent,