de madame Sand, j’y trouvai une jeune dame anglaise, fort modeste et très agréable, qui dut trouver assez singulière la compagnie qu’on lui donnait, quelques écrivains assez obscurs et Mérimée. Milnes me plaça à côté de madame Sand ; je n’avais jamais parlé à celle-ci, je crois même que je ne l’avais jamais vue (car j’avais peu vécu dans le monde d’aventuriers littéraires qu’elle fréquentait). Un de mes amis lui ayant demandé un jour ce qu’elle pensait de mon livre sur l’Amérique : « Monsieur, lui dit-elle, je suis habituée à ne lire que les livres qui me sont offerts par leurs auteurs. » J’avais de grands préjugés contre madame Sand, car je déteste les femmes qui écrivent, surtout celles qui déguisent les faiblesses de leur sexe en système, au lieu de nous intéresser en nous les faisant voir sous leurs véritables traits ; malgré cela, elle me plut. Je lui trouvai des traits assez massifs, mais un regard admirable ; tout l’esprit semblait s’être retiré dans ses yeux, abandonnant le reste du visage à la matière ; ce qui me frappa surtout fut de rencontrer en elle quelque chose de l’allure naturelle des grand esprits. Elle avait, en effet, une véritable simplicité de manières et de langage, qu’elle mêlait peut-être à quelque peu d’affectation de simplicité dans ses vêtements. Je confesse que, plus ornée, elle m’eût paru encore plus simple. Nous parlâmes une heure entière des affaires publiques, on ne
Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/224
Apparence