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Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/295

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ses pouvoirs, il ne fallait pas le faire élire par le peuple. Ces vérités ne furent point exposées ; je crois qu’elles furent à peine entrevues dans le sein de la commission. L’article de Cormenin, d’abord adopté, fut cependant plus tard l’objet de très vives attaques ; mais il fut attaqué par d’autres raisons que celles que je viens de donner ; c’était le lendemain du 4 juin. Le prince Louis Napoléon, auquel personne ne songeait quelques jours auparavant, venait d’être élu à l’Assemblée par Paris et trois départements. On commençait à craindre qu’il ne fût bientôt placé à la tête de la république si le choix du président était laissé au peuple. Les divers prétendants et leurs amis s’émurent, la question fut de nouveau posée dans la commission et la majorité persista dans son premier vote.

Je me souviens que, durant tout le temps que la commission s’occupa de cette matière, mon esprit fut en travail pour deviner de quel côté devait habituellement pencher la balance du pouvoir dans une république, comme celle que je voyais qu’on allait faire ; tantôt je croyais que ce serait du côté de l’Assemblée unique et tantôt de celui du président élu ; cette incertitude me jetait dans une grande gêne. Le vrai est que cela était impossible à prévoir à l’avance ; la victoire de l’un ou de l’autre de ces deux grands rivaux devait dépendre des circonstances, et des dispositions du mo-