Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/303

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qu’il rencontra par hasard, se présenta ensuite hardiment à la tribune, et y lut au nom de la commission un rapport dont presque aucun membre de celle-ci n’avait entendu le premier mot. Cette lecture eut lieu le 19 juin. Le projet de constitution contenait cent trente-neuf articles ; il avait été dressé en moins d’un mois. On ne pouvait aller plus vite, mais on aurait pu mieux faire. Nous avions adopté beaucoup des petits articles que nous avait successivement apportés Cormenin ; mais nous en avions rejeté un plus grand nombre, ce qui avait causé à leur auteur une irritation d’autant plus vive, qu’elle n’avait jamais pu dépasser le nœud de la gorge. Il voulut que le public le consolât. Il publia ou fit publier (je ne me souviens plus lequel des deux), dans tous les journaux, un article, dans lequel on racontait ce qui s’était passé dans le sein de la commission, attribuant tout ce qu’elle avait fait de bien à M. de Cormenin et tout le mal à ses adversaires. Une pareille publication nous déplut fort, comme on peut croire : et il fut décidé qu’on ferait connaître à Cormenin le sentiment que son procédé inspirait. Mais personne ne voulait être l’orateur de la compagnie. Nous avions parmi nous un ouvrier (car on mettait alors les ouvriers à tout) nommé Corbon, dont l’esprit était assez droit, et le caractère ferme. Il se chargea volontiers de