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Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/357

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le destituât ni même qu’on lui refusât de l’avancement ; il désirait seulement qu’on le changeât de place ; il croyait sa propre situation compromise tant que n’aurait pas lieu ce changement, qui, d’ailleurs, était réclamé par la majorité de la députation de Maine-et-Loire. Malheureusement, ce préfet était un ami déclaré de la république ; c’en fut assez pour remplir Dufaure de défiance et lui persuader que le seul but de Falloux était de le compromettre, en se servant de lui pour frapper ceux des républicains qu’on n’avait pas osé atteindre jusque-là. Il refusa donc ; l’autre insista ; Dufaure se raidit. C’était une chose assez plaisante de voir Falloux tourner autour de Dufaure, en caracolant avec grâce et avec adresse, sans pouvoir trouver aucune entrée pour pénétrer dans son esprit.

Dufaure le laissait faire, puis il se bornait à lui répondre laconiquement, sans le regarder, ou en détournant, de son côté, un regard tors et terne : « Je voudrais bien savoir pourquoi vous n’avez pas profité du séjour de votre ami, M. Faucher, au ministère de l’intérieur pour vous délivrer de votre préfet. » Falloux se contenait, quoiqu’il fût, à ce que je crois, naturellement très emporté ; il venait me conter ses griefs et je voyais le fiel le plus amer couler à travers le miel de sa parole. J’intervenais alors ; je tâchais de faire entendre à Dufaure qu’une demande de cette es-