Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesures analogues étaient prises dans toute la France. Des circulaires adressées à tous les agents leur montraient qu’ils avaient affaire à un gouvernement qui savait se faire obéir et voulait que tout pliât devant les lois.

Toutes les fois que Dufaure était attaqué pour ces différents actes par les Montagnards qui étaient restés dans l’Assemblée, il leur répondait avec cette éloquence mâle, nerveuse et acérée dont il possédait si bien l’art, et sur le ton d’un homme qui combat après avoir brûlé ses vaisseaux.

Les conservateurs ne désiraient pas seulement qu’on administrât avec vigueur ; ils entendaient qu’on profitât de la victoire pour faire des lois répressives et préventives. Nous sentions nous-mêmes la nécessité d’entrer dans cette voie, sans vouloir nous y avancer aussi loin qu’eux.

J’étais d’avis, pour mon compte, qu’il était sage et nécessaire de faire sur ce point de grandes concessions aux terreurs et aux ressentiments légitimes de la nation, et que le seul moyen qui restât, après une si violente révolution, de sauver la liberté était de la restreindre. Mes collègues étaient de mon avis ; nous proposâmes donc successivement une loi qui suspendait les clubs ; une autre qui réprimait avec plus d’énergie qu’on ne l’avait fait, même sous la monar-