Mais, ce qu’il leur fallait surtout, c’était ôter les places à leurs ennemis et les reprendre au plus vite pour leurs partisans ou pour leurs proches. Nous retrouvions là toutes les passions qui avaient amené la chute de la monarchie de Juillet. La révolution ne les avait pas détruites et elle les avait seulement affamées ; ce fut notre grand et permanent écueil. Ici encore, je jugeais qu’il y avait des concessions à faire ; on rencontrait encore dans les fonctions publiques un très grand nombre de ces républicains ou peu capables ou tarés, que les hasards de la révolution avaient poussés au pouvoir. Mon avis était de nous débarrasser de ceux-là sur-le-champ, sans attendre qu’on nous demandât leur renvoi, de manière à donner confiance dans nos intentions et à acquérir le droit de défendre tous les républicains honnêtes et capables ; mais jamais je ne pus y faire consentir Dufaure. Il avait déjà dirigé le ministère de l’intérieur sous Cavaignac. Plusieurs des fonctionnaires qu’il eût fallu révoquer avaient été nommés ou du moins maintenus par lui. Sa vanité était engagée à les soutenir, et la défiance que lui causaient leurs détracteurs eût, d’ailleurs, suffi pour le déterminer à résister aux cris de ceux-ci ; il résista donc. Il devint bientôt aussi lui-même le point de mire de toutes leurs attaques. On n’osait pas le saisir à la tribune, car, là, il était un rude jouteur ; mais on le frappait sans cesse