Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/373

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de la légitimité qu’il servait et ne cherchait, au travers de nos révolutions, qu’un chemin pour ramener la religion catholique au pouvoir. S’il était resté au ministère, c’était pour veiller aux affaires de celle-ci, et, comme il me le dit dès le premier jour, avec une habile franchise, par le conseil de son confesseur. Je suis convaincu que, dès l’origine, Falloux avait entrevu le parti qu’on pouvait tirer de Louis Napoléon pour l’accomplissement de ce dessein, et que, se familiarisant de bonne heure avec l’idée de voir le président devenir l’héritier de la république et le maître de la France, il n’avait songé qu’à utiliser dans l’intérêt du clergé cet événement inévitable. Il avait offert l’appui de son parti sans pourtant se donner jamais lui-même.

Depuis notre entrée aux affaires jusqu’au moment de la prorogation de l’Assemblée, qui eut lieu le 13 août, nous ne cessâmes de gagner du terrain du côté de la majorité, en dépit de ses chefs. Elle nous voyait chaque jour, sous ses yeux, aux prises avec ses ennemis et les attaques furieuses que ceux-ci dirigeaient à tout moment contre nous nous avançaient par degré dans ses bonnes grâces. Mais, par contre, durant ce temps-là, nous ne fîmes aucun progrès dans l’esprit du président, qui semblait nous supporter dans ses conseils plutôt que nous y admettre.