Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/403

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battre, car l’Allemagne retournait d’elle-même et irrésistiblement vers sa constitution ancienne et l’ancienne anarchie de ses pouvoirs. La tentative unitaire de l’assemblée de Francfort avait échoué. Celle du roi de Prusse allait avoir le même sort.

C’était la peur de la révolution qui seule avait poussé les princes allemands dans les bras de Frédéric-Guillaume ; à mesure que, grâce aux efforts des Prussiens, la révolution comprimée partout cessait de se faire craindre, les alliés (on pourrait presque dire les nouveaux sujets) de la Prusse aspiraient à ressaisir leur indépendance. L’entreprise du roi de Prusse était de cette espèce malheureuse où les succès mêmes nuisent au triomphe, et, si je voulais comparer les grandes choses aux moindres, je dirais que son histoire était un peu la nôtre, et, comme nous, il devait échouer lorsqu’il aurait rétabli l’ordre et parce qu’il l’aurait rétabli. Les princes, qui avaient adhéré à ce qu’on appelait l’hégémonie prussienne, ne tardèrent donc point à chercher une occasion d’y renoncer. L’Autriche la leur fournit, dès que, victorieuse des Hongrois, elle put reparaître sur le théâtre des affaires allemandes avec sa puissance matérielle et celle des souvenirs qui s’attachent à son nom. C’est ce qui arriva dans le courant de septembre 1849. Quand le roi de Prusse se revit en face de ce puissant rival, derrière lequel il apercevait la Russie, le cœur lui