Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/405

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lemagne, je ne m’appliquai qu’à vivre en bonne intelligence avec les différentes parties contondantes. J’entretins surtout des rapports d’amitié avec l’Autriche, dont le concours nous était nécessaire, ainsi que je le dirai plus loin, dans l’affaire de Rome. Je m’efforçai d’abord d’amener à bon terme les négociations depuis longtemps pendantes entre elle et le Piémont ; j’y mettais d’autant plus de soin que j’étais persuadé que tant qu’une paix solide ne serait pas établie de ce côté-là, l’Europe n’était point rassise et pouvait être rejetée à chaque instant dans de grands hasards.

Le Piémont négociait inutilement avec elle depuis la bataille de Novare. L’Autriche avait d’abord voulu imposer des conditions inacceptables. Le Piémont de son côté conservait des prétentions que n’autorisait plus sa fortune. Les négociations, plusieurs fois interrompues, venaient d’être reprises quand j’arrivai aux affaires. Nous avions plusieurs raisons très fortes de désirer que

    d’être modifiés ou détruits. Mais je ne serais pas éloigné de croire que l’événement prochain soit le raffermissement de l’autorité dans toute l’Europe. Il ne serait pas impossible que sous la pression d’un instinct commun de défense et sous l’influence commune de faits récents, la Russie ne voulût et ne pût ramener l’accord entre le nord et le midi de l’Allemagne, rapprocher l’Autriche et la Prusse, et que tout ce grand mouvement n’aboutit encore qu’à une nouvelle alliance de principes entre les trois monarchies aux dépens des gouvernements secondaires et de la liberté des citoyens. Considérez lu situation à ce point de vue et rendez moi compte de vos observations. »