Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/70

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l’événement de la journée. J’appris par lui la fusillade du boulevard des Capucines, le développement rapide de l’insurrection dont cet acte de violence inutile avait été la cause ou le prétexte : le refus de M. Molé de prendre les affaires dans de telles circonstances et, enfin, l’appel au château de MM. Thiers, Barrot et de leurs amis chargés définitivement de former un cabinet, faits trop connus pour que j’aie besoin de m’y arrêter. Je demandai à M. de Corcelles comment les ministres comptaient s’y prendre pour apaiser les esprits. « Je tiens de M. de Rémusat, me dit-il, que le plan adopté est de faire replier toutes les troupes et d’inonder Paris de gardes nationales. » Ce sont ses propres expressions. J’ai toujours remarqué qu’en politique, on périssait souvent pour avoir eu trop de mémoire.

Les hommes qui étaient chargés alors d’arrêter la révolution de 1848 étaient précisément les mêmes qui avaient fait la révolution de 1830. Ils se souvenaient que, dans ce temps, la résistance de l’armée ne les avait pas arrêtés et, qu’au contraire, la présence de la garde nationale, si imprudemment dissoute par Charles X, aurait pu les embarrasser beaucoup et les empêcher de réussir. Ils prirent le contrepied de ce qu’avait fait le gouvernement de la branche aînée et arrivèrent au même résultat que lui. Tant il est vrai