Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/96

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accompagner sa fuite, que, me levant tout à coup, je m’élançai vers l’endroit où ma connaissance des lieux me faisait croire qu’elle avait dû chercher, ainsi que son fils, un asile ; je perçai, en un instant, la foule, franchis la salle des conférences, parcourus le vestiaire et parvins ainsi jusqu’à l’escalier dérobé qui conduit du guichet de la rue de Bourgogne dans les combles du palais. Un huissier, que j’interrogeai en courant, m’apprit que j’étais sur la trace des princes, et, en effet, j’entendis plusieurs personnes qui montaient précipitamment dans la partie supérieure de l’escalier. Je continue donc ma course, j’arrive à un palier ; les bruits de pas qui me précédaient avaient cessé depuis un moment de se faire entendre. Je me trouve en face d’une porte fermée, je frappe, on n’ouvre pas. Si les princes étaient comme Dieu qui lit dans les cœurs et accepte l’intention comme l’acte, assurément ceux-ci me sauraient gré de ce que j’ai voulu faire en ce jour ; mais ils ne le sauront jamais, car personne ne me vit et je ne l’ai dit à personne.

Je revins dans la salle et fus reprendre ma place ; presque tous les députés s’étaient retirés. Les bancs étaient occupés par des hommes du peuple ; Lamartine, toujours à la tribune entre les deux drapeaux, continuait à haranguer la foule ou plutôt conversait avec elle ; car il me parut qu’il y avait presque autant