Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/124

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je suis incliné à croire que si le tyran pouvait aimer une classe quelconque de ses sujets, supposé que les nobles et le peuple soient également vils et obéissans, il serait disposé d’aimer le peuple, quoiqu’il sentît toujours néanmoins que, pour le tenir en respect, il a toujours besoin de la digue naturelle de la noblesse, c’est-à-dire, des plus riches et des plus puissans ; je donnerais volontiers pour cause de ce demi-amour, ou de cette haine modifiée du tyran pour le peuple, la raison suivante.

Quelles que soient l’ignorance et la mauvaise éducation de la noblesse, elle a cependant, comme moins opprimée et plus à son aise que le peuple, plus de moyens et de temps pour réfléchir plus que lui. Elle approche le tyran de plus près, elle peut en étudier et en connaître, beaucoup plus que le peuple, le caractère, les vices et la nullité. Si l’on ajoute à cette raison le besoin que le tyran croit avoir quelques fois des nobles, on verra facilement quel est le motif de la haine naturelle qu’il conserve contre eux dans son cœur ; car le tyran ne doit pas vouloir que l’on pense, et doit voir avec peine quiconque peut l’observer et le connaître. C’est dans cette haine intérieure que prend