Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/142

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tels êtres peuvent-ils, plus que la lie du peuple, s’élever jusqu’à connaître, apprécier, désirer et vouloir la liberté ? Ne seraient-ils pas les premiers à s’en affliger, et pourraient-ils exister s’ils n’avaient un tyran pour perpétuer leur douce paresse, et commander à leur ineptie.

Le luxe est donc inévitable et nécessaire sous la tyrannie, et avec lui croissent et se multiplient tous les vices, il est, si je puis m’exprimer ainsi, le prince qui les ennoblit tous en les ornant de l’appareil de la grandeur, et il confond tellement le nom des choses, que la dépravation des mœurs s’appelle chez les riches, galanterie, la flatterie, savoir vivre ; la lâcheté, prudence, et l’infamie, nécessité. Quelle est la cause immédiate de tous ces vices, et de ceux que je passe sous silence ? Le luxe. Quels sont ceux qui en retirent le plus grand avantage ? Ce sont sans doute les tyrans, qui en reçoivent le commandement pacifique et absolu, et les moyens de le conserver.

Le luxe donc que j’appellerai l’amour et l’usage immodéré des superfluités pompeuses de la vie, corrompt dans une nation également toutes les classes de la société. Le peuple qui paraît en retirer quelque