Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/155

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de vrais amis, parce qu’un simple épanchement de cœur sur des choses importantes, peut changer un ami en un délateur récompensé, ou même encore trop souvent, en un délateur honoré. L’effet nécessaire qui doit résulter dans le cœur de l’homme, de l’impossibilité de ne pouvoir aimer toutes ces choses, c’est de s’aimer immodérément soi-même, et il me paraît qu’en voici une des principales raisons. La crainte naît dans l’homme, de l’incertitude dans laquelle il vit ; et cette crainte continuelle produit deux effets contraires, ou un amour excessif, ou une très grande indifférence pour la chose que nous craignons de perdre. Comme nous avons toujours à craindre, sous la tyrannie, pour nous et pour tout ce qui nous appartient ; et comme la nature veut que nous nous aimions plus que toute chose, il arrive de là que nous craignons beaucoup pour nous-mêmes, et chaque jour beaucoup moins pour les choses qui nous appartiennent, mais qui ne sont pas immédiatement à nous. Dans les véritables républiques, les citoyens aiment avant tout la patrie, ensuite leur famille, après leurs personnes. Sous la tyrannie, au contraire, on préfère son existence à toute chose ; et pour cela l’amour