Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus grande et plus prochaine l’immensité, plus grande encore des choses que Tibère pouvait lui enlever. C’est pourquoi Séjan ne se croyant pas en sûreté, s’il ne parvenait à anéantir la seule puissance qui pouvait triompher de la sienne, il entreprit de se défaire du tyran par des moyens réfléchis et préparés depuis long-temps. Les Tibères, dans quelques lieux qu’ils naissent et qu’ils règnent, doivent s’attendre à n’avoir pour amis que des Séjans. Si donc le tyran inspire cette haine profonde à ceux qu’il comble de bienfaits, que devrait-il attendre du nombre immense d’hommes qu’il offense directement ou indirectement ou qu’il dépouille ?

Il n’y a donc que la masse stupide, pauvre et ignorante des sujets éloignés, qui puisse, comme je l’ai déjà dit, aimer le tyran par le seul motif qu’elle ne le connaît pas ; et cet amour doit s’appeler une haine morte. Toute autre personne peut feindre et même faire pompe de son amour pour le tyran, mais cet amour n’a rien que d’affecté. Cette démonstration servile, honteuse et infâme, sera toujours mise en usage par les plus vils ; c’est-à-dire, par ceux qui craignent le plus le tyran, et qui par conséquent le détestent davantage.