Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/28

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raisonnait, la ferme résolution de ne vouloir plus souffrir ; et à peine cette résolution viendrait-elle à se former simultanément dans le cœur de tous, ou au moins de la majorité, qu’elle mettrait fin immédiatement à ses souffrances qui paraissent devoir durer toujours : et cependant il arrive, au contraire, que cette crainte excessive et continuelle produit et nourrit dans l’âme resserrée et avilie de l’esclave cette extrême circonspection, cette aveugle obéissance, cette soumission respectueuse aux ordres du tyran, qui sont portées à un tel point, que Dieu même ne pourrait pas en exiger de plus grandes.

L’oppresseur tremble aussi ; la crainte qu’il éprouve, provient de la conscience de sa propre faiblesse effective, et tout-à-la fois de la force idéale et indéterminée qu’il a acquise : si l’autorité absolue ne l’a pas rendu tout-à-fait stupide, le tyran frissonne au fond de son palais, lorsqu’il vient à examiner quelle haine démesurée sa puissance sans borne a dû allumer dans tous les cœurs.

Les conséquences de la crainte du tyran sont tout-à-fait différentes de celles de la crainte des sujets, ou, pour mieux dire, elles