Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/39

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du tout les hommes pris en général : ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils ne connaissent point du tout ceux qu’ils ne voient jamais, et très-peu ceux qu’ils voient tous les jours. Or, il n’y a pas de doute que les hommes qui approchent le tyran, ne soient toujours les plus méchans, parce qu’un homme vraiment bon fuira toujours comme un monstre, celui qui possède un pouvoir trop étendu, et qui, outre la faculté qu’il a de le dépouiller de toute chose, peut encore, par l’influence de l’exemple, et par la force de la nécessité, l’obliger à cesser d’être bon. Il résulte de là, que les méchans approchant le tyran méchant, ne font qu’augmenter leur méchanceté ; mais les scélérats, en s’approchant du bon tyran. le trompent en se couvrant d’une fausse honte ; et cela arrive tous les jours, de manière que la tyrannie, le plus souvent, ne réside pas dans la personne du tyran, mais dans sa puissance inique et abusive, exercée par la perfidie innée des courtisans. Mais, quelque part que réside la tyrannie pour les misérables sujets, la servitude est toujours la même ; elle devient quelquefois plus dure pour la société sous le bon tyran, quoiqu’elle paraisse quelque peu moins cruelle pour les individus.