1889
- ARMENIE##
ARMENIE. HISTOIRE RELIGIEUSE
1890
meure des Haïk. A les entendre, Haïk, père de leur race, ne serait autre que le fils de Thogorma, troisième (ils de Gomer, Gen., x, 3, et ils ont tiré de cette problématique origine de belles légendes qu’ils tiennent pour vraies. Ce n’est pas ici le lieu de les discuter. Qu’il me suffise de rappeler qu’à peine arrivée dans le pays, vers la fin du vii « et au début du VIe siècle avant J.-C., la nouvelle race, supérieure à l’ancienne par le nombre et la condition sociale, réussit à s’emparer du gouvernement, sans sortir cependant de la dépendance des Mèdes et des Perses, liéritiers des Assyriens qui, après de longues luttes, avaient détruit Dhuspa (735) et soumis le pays. Lorsque, à leur tour, les Perses sont vaincus par Alexandre (328), l’Arménie ne fait que changer de maître : elle échoit aux Séleucides de Syrie qui lui laissent, sous l’autorité de gouverneurs indigènes nommés par eux, une sorte d’indépendance, rendue d’ailleurs nécessaire à cause de l’éloignement.
Après la défaite d’Antiochus le Grand par les Romains (190), Artaxias et Zariadris, gouverneurs du pays, prennent le titre de roi et se déclarent indépendants, le premier, dans l’Arménie proprement dite, le second au sud-est, dans la Sophène, inaugurant ainsi la dynastie nationale des Archagounik ou Arsacides. Strabon, xi, 531. Cette dynastie jette un vif éclat sous Tigranes I er (vers 90-55), mais elle ne tarde pas à devenir, suivant les circonstances, le jouet des Romains et des Parthes. C’est aux Parthes que vont de préférence les sympathies du peuple et des grands ; aussi Néron, en fin politique, reconnait-il pour roi d’Arménie le propre frère du roi des Parthes, Tiridate. Dion, lxiii, 2-7. En 226, les Sassanides remplacent les Arsacides sur le tronc de Perse. Les rois d’Arménie, en vertu du pacte qui unit entre eux tous les princes du sang arsacide, se déclarent contre la nouvelle dynastie. De là entre les deux pays une lutte sanglante qui dure plusieurs siècles, lutte politique tout d’abord, puis lutte religieuse à partir du jour où, Tiridate converti, toute l’Arménie devient chrétienne. Tour à tour perdue et reconquise par les Romains et par les Perses, l’Arménie est’partagée, en 387, entre ces deux puissances rivales. Les Perses, qui ont pris pour eux les quatre cinquièmes du territoire, lui laissent au début un simulacre d’indépendance ; mais, à la mort du dernier Arsacide (128), ils administrent eux-mêmes le pays au moyen de marspans, sorte de margraves nommés par eux.
A deux reprises, sous l’empereur Maurice (591) et sous Héraclius (629), l’Arménie est enlevée aux Perses par les Byzantins ; mais trop loin de la capitale, épuisée d’ailleurs par ses luttes intestines, elle tombe sans résistance au pouvoir des Arabes (654). Aux marspans succèdent alors les osdigans, gouverneurs nommés par le khalife. Cependant un noble Arménien, Achot l’akratouni, est assez heureux pour gagner la confiance des khalifes ; il obtient il eux, en 855, le titre de prince des princes et, en 885, la couronne royale Ainsi se trouve fondée la dynastie indigène des Pakratounik ou Bagratides, dont les chefs gouvernent le pays pendant deux siècles (885-1079). Mais le i gime féodal morcelle le nouveau royaume et entraîne sa ruine. Autant de rois que de provinces, autant de prorinces que de vallées, tel est en deux mots l’état de l’Arménie à cette époque. En 1021, le roi de Vaspourakan, trop faible pour ré ister aux Turcs Seldjoukides, cède à l’empereur grec liasile II en échange de Séba te ; en 1015, c’est le royai l’Ani que les Byzantins s’incorporent ; mais à peine installés, ils doivent r la placeaux Seldjoukides conduits par AIp-Arslan. Déjà morte civilement, la i ratides d’Ani s’éteint
mr, en 1079, par l’assassinai de Kakig II.
Pour échapper à la servitude ou à la mort, un parent de Kakij II, Roupen, se jette avec quelques braves dans les gorges du Taurus et, delà, passe en Cilicie, où le gouverneur byzantin de Tarse lui abandonne quelques
DICT. DE THÊOL. CATIIOT..
forteresses. Ennemis des Grecs et des musulmans, ces réfugiés de Cilicie s’unissent naturellement avec les croisés. Après la prise d’Antioche (1097), Constantin, fils de Roupen, reçoit des croisés le titre de baron ; au bout d’un siècle, les héritiers de Roupen, déjà barons, deviennent des rois, par suite de l’érection, en un royaume vassal du saint-siège et de l’empire d’Allemagne, de la Cilicie ou Petite-Arménie (1198). Trois dynasties s’y succèdent : les Roupéniens (1198-1226), les Héthoumiens (1226-1312), les Lusignans (1342-1375). Ébranlé par les Mongols et ruiné par les désordres intérieurs, le royaume de Petite-Arménie est détruit, en 1375, par les mameloucks d’Egypte, et son dernier souverain, Léon VI, meurt en France, pensionné par Charles VI (1393). Quelques-uns de ses sujets cherchent, comme autrefois Roupen, un refuge dans les montagnes du Taurus ; ils y créent peu à peu une ville, Zeitoun, dont l’histoire n’est qu’une brillante épopée. Le gouvernement turc n’a rien épargné pour réduire ce Monténégro arménien. Demeurés libres jusqu’au milieu du XIXe siècle, attaqués depuis presque chaque jour, les Zeitouniotes n’ont mis bas les armes qu’à la condition d’avoir un gouverneur chrétien (10 février 1896).
Quant à la Grande-Arménie, son histoire depuis neuf siècles est une longue série de dévastations. Ruinée au XIe siècle par les Seldjoukides. au xiif par les Mongols, au xve par les Ottomans, elle tombe épuisée, en 1555, aux mains de ces derniers. Au début du xvii c siècle, la Perse s’annexe la partie orientale. Deux siècles passent, et un autre conquérant entre en scène, la Russie. En 1802, cette puissance s’incorpore la Géorgie et commence dès lors de s’étendre vers l’Arménie. Le traité d’Andrinople (1828), la campagne de 1853-1855, celle de 1877, favorisent son ambition, et l’ancien royaume d’Arménie se trouve aujourd’hui partagé entre la Turquie, la Russie et la Perse. L’Arménie persane forme, sur la rive droite de l’Araxe, la partie septentrionale de PAderbéidjan ; l’Arménie russe comprend, entre le Tchorouk.la Koura et l’Araxe, les provinces d’Érivan et d’Élisabethpol, et une partie du gouvernement de Tillis. Les Turcs occupent encore la majeure partie de la région ; ils ont le bassin du lac de Van, les deux Euphrates supérieurs, les hautes vallées du Tchorouk et de l’Araxe, vaste ensemble ne formant pas moins de cinq vilayets : Erzeroum, Mamourat-ul-Azis, Bitlis, Diarbékir, Van. La population y est très mélangée. Les Arméniens et les Kurdes, en nombre à peu près égal, forment ensemble la moitié de la population ; l’autre moitié est turque ou turcômane. Seul, un régime administratif régulier pourrait maintenir dans un juste équilibre des races aussi profondément diverses. Ce régime, en dépit de l’article 61 du traité de Rerlin (1878), l’Arménie ne l’a jamais connu. Réclame-t-ello, sinon l’indépendance, du m. uns la réalisation de quelques réformes, on (’touffe sa voix dans le sang. Les derniers massacres de 1895-1896 ne lui ont que trop montre’combien vaines seraient ses espérances en face de l’absolutisme du sultan et de l’impuissance des diplomates européens.
Sur l’histoire primitive de l’Arménie, voir H. Hyvernat, Arménie dans le Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 1000-1010, el les ouvrages Indiqués par ce savant. Pour l’histoire politique, consulter , i. Issaverdens, Histoire de l’Arménie, 2 in-8-. Veni i J. Saint-Martin, Mémoires historiques et géographiques sur V irménie, 2 in-4° Paris, 1818-1819. - sur les Bagratides, voir A. Green, La dynastie bagratide en Arménie, 1 urnal de l’instruction publique, Saint-Pétersbourg, 1893, nov., p. 51-189. — Sur le royaume de la Petite-Arménie, voir E. Dulaurier, Étude sur l’organisation politique, religieuse et administrative <iu ime de la Petite-Arménie au terni ades, in-8°,
Paris, 1862 (extrait du Tournai asia *u 5 érie, t. xvii, p. Ml si|. ; t. xviii, p, 289 sq., reproduit en tête du t, i des H » » » croisades, ln-fol., Paris, 1869) ; v. Langlois, Voyage dans la Cilicie et dans les montagnes du Taurus, in-8*, Paris, 1861 ; L. Alisban. Sissouan. Description physique, géographique, histoi ique et littéraire d arménienne
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