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1893

    1. ARMÉNIE##


ARMÉNIE. HISTOIRE RELIGIEUSE

1894

provinces méridionales de la Sophèneetdu Vaspourakan, de profondes racines. Venus de Syrie, les premiers missionnaires conservèrent leur langue liturgique, le syriaque, et leurs plus chères légendes, comme celles d’Abgar et de Thaddée. A cause même de ces légendes, on peut regarder la ville d’Édesse comme le centre principal de l’évangélisation de l’Arménie. Marquart indique comme centre secondaire la ville de Metzbin ou Nisibe. Zeitschrifl der deutsch. morgenl. Gesellscliaft, 1806, p. G15. Que le christianisme ait été répandu en Arménie avant saint Grégoire, on en trouve la preuve dans une lettre adressée par l’évêque d’Arménie Méruzanes ouMéroujan à Denys d’Alexandrie (218-265). Eusébe, H. E., vi, 41, n. 2. Cf. H. Gelzer, Die Anfûnge der armen. Ki relie, dans les Berichten der kônigl. Sâch. Gesellscliaft der Wissensch. Iiist. pliil. Classe, 1895, p. 171-172.

IV. Saint Grégoire l’Illuminateur. —

Toutefois, c’est de saint Grégoire l’Illuminateur (Lousavoritch) que date, sinon la naissance, du moins la pleine efflorescence du christianisme en Arménie. Issu de la race royale des Arsacides, Grégoire encore enfant avait été soustrait par sa nourrice au massacre de sa famille (238). Comme beaucoup de ses compatriotes, il s’était réfugié sur les terres de l’empire romain, durant l’occupation de sa patrie par les Perses. C’est à Césarée qu’il fut élevé et instruit dans la foi chrétienne et dans les sciences humaines. Il reparut en Arménie, lors de la restauration du royaume sous Tiridale II (261), et, après avoir été en butte aux persécutions, il baptisa une grande partie de ia nation et le roi lui-même. Sozomène, H. E., il, 8, P. G., t. lxvii, col. 196-197. Sur le désir de ce dernier, Grégoire se rendit à Césarée, où il reçut des mains de l’évoque Léonce la consécration épiscopale. Ainsi se nouèrent entre la nouvelle chrétienté et la métropole cappadocienne des liens de filiation hiérarchique. A son retour de Césarée, Grégoire se fixa à Achtichat, dans la province de Tarôn. et y fonda, sur les ruines d’un laineux temple païen, une église et un palais pour la résidence de l’évêque. En peu de temps, la province d’Ararat, au nord, fut elle-même gagnée à la foi.

Une fois maître du pays, Grégoire organise sa conquête. Pour mieux atteindre le peuple, il bannit le syriaque et substitue dans la liturgie la langue nationale à cet idiome étranger. Pour s’attacher les prêtres païens convertis, il élève leurs fils dans une sorte de séminaire, et c’est parmi eux, qu’il choisit les titulaires des douze sièges ipiscopaux créés par lui. Enfin, détail caractéristique, les hautes dignités ecclésiastiques deviennent, comme autrefois chez les Juifs, l’apanage des familles sacerdotales ; c’est dans la propre famille de Grégoire que se perpétue la dignité suprême de cat/iolicos ou archevêque, .le n’ai pas à parler ici du voyage à Rome de l’Illuminateur ; c’est une fort belle légende, rien de plus. On a dit, et l’on dit encore, que l’Église d’Arménie reçut de son fondateur une pleine autonomie, qu’elle fi t gouvernée dès l’origine par un catliolicos absolument indépendant. M. Ormanian (aujourd’hui patriarche de Constantinople), Le Vatican et les Arméniens, in-8°, Rome, 1873, p. 155 sq. Rien n’est moins fondé. Jusqu’à Nersi i le Grand Césarée continua d’exercer sur l’Église arménienne une indiscutable suprématie. Voir v. Gutschmid, Kleine Sein iflen, in-8°, Leipzig, 1892, t. iii, p. 358 ; H. Gelzer, <>II. cit., p. 138-139. Le nom de catholicos ne _na d’abord qui’l’évoque principal du pays, métropolitain, archevêque ou exarque : c’est seulement plus lard, à l’époque de la séparation, qu’on y attacha le I.’patriarche indépendant. Les chefs religieux de l’Albanie et de la Géorgie, deux provinces voisines convertie pai’l : s missionnaires envoyés par saint Grégoire, portèrent eux-mêmes le titre de catholicos, sans que cependant les Arméniens aient jamais songé à leur ir complète autonomie ; ils se trouvaient’vis du catholicos d Arménie dans la même situation que celui-ci vis-à-vis de l’archevêque de Césarée. L’organisation intérieure de l’Église d’Arménie à ses débuts réclamerait, de qui voudrait la décrire, de longs développements. Ne pouvant les donner ici, je me contenterai de renvoyer le lecteur au mémoire déjà cité de H. Gelzer, p. 140 sq. ; on y trouvera, réduit à de justes proportions, le tableau de cette chrétienté naissante que les auteurs nationaux, par un sentiment patriotique très intense, ont embelli à plaisir.

V. Du CONCILE DE NlCÉE A CELUI DE ClIALCÉDOINE (323 451). —Grégoire eut pour successeur son plus jeune fils, Aristakès, qui assista au concile de Nicée. H. Gelzer, II. Hilgenfeld, 0. Cuntz, Patrum nicxiiorum nomina, Leipzig, 1898, p. lvi, lxii et passim. A la mort d’Aristakès, son frère aine, Verthanès, que Grégoire avait ordonné évêque des Ibériens et des Albanais, hérita du siège d’Arménie, auquel il rattacha naturellement l’Église d’Ibérie fondée par lui. Mais déjà l’union cesse de régner entre le chef de l’Église et celui de l’État. Iousik, fils et successeur de Verthanès, paye de la vie son opposition au roi Tiran († 337-341). Ses fils se sécularisent, et le ca-. tholicat ne se transmet plus en ligne directe dans la famille de l’Iiiuminateur. Au rapport de Socrate, H.E., ii, 25, P. G., t. lxxii, col. 453. le catholicos Isaac était un des signataires de la lettre adressée par le concile d’Antioche à l’empereur Jovien (363-361). Ce personnage est évidemment le même que le Chahak de Faustus de Byzance, m, 17. A Chahak succède Nersès, neveu de Iousik, qui reçoit l’ordination épiscopale des mains d’Eusèbe de Césarée (362-370), au milieu d’un pompeux appareil décrit par Faustus, iv, 4, dans Langlois, Co//< ?c< ion d’Iiistoriens arméniens, in-8°, Paris, 1867, t. I, p. 238 sq. Témoin des institutions de toutes sortes établies par saint Basile à Césarée, Nersès entreprend de les implanter en Arménie. Au synode d’Achtichat (vers 365), il rend obligatoires les canons apostoliques, promulgue bon nombre de lois sur le mariage et le jeûne, organise des œuvres charitables comme les hospices et les hôpitaux, et donne un grand essor à la vie monastique. Gelzer, op. cit., p. 151 sq. Ces réformes importées des pays grecs indisposent contre lui et le roi et les grands. Le roi Archak lui oppose même un anticatholicos. Une fois Archak tombé entre les mains des Perses, Nersès reprend sans conteste la direction de son Église ; niais son langage apostolique irrite le nouveau roi Pap (367-374) qui le fait empoisonner avant 374. C’est par anachronisme que l’on fait assister le pontife martyr au concile de Constantinople en 381. Arsak Ter-Mikélian, Die armenische Kirche in ihren Bczieliungen zurbijzanlinischen vom iv bis zum xiii Jalirhundert, in-S°, Leipzig, 1892, p. 31 sq.

La mort de Nersès, ce Thomas Becket de l’Arménie, marque dans l’histoire de son pays une puissante réaction antireligieuse. Les riches dotations octroyées aux églises par Tiridate sont en partie supprimées par le roi Pap ; le clergé voit diminuer le nombre de membres, les institutions de bienfaisance tombent en ruine, les règles canoniques cessent d’être en vigueur et les usages du paganisme reprennent partout faveur. Gelzer, op. cit., p. 156 sq. Le sentiment antireligieux n’était point seul à dicter ces mesures réactionnaires ; aux yeux de Pap, Nersès avait eu tort de trop helléniser l’Arménie en la dotant d’institutions imitées îles tirées. Cette rivalité de race, qui créera plus tard le schisme, entrait pour beaucoup dans la nouvelle orientation il la politique royale. On le vil bien quand il fallut pourvoir au siège vacant du catholicos. s.ms tenir compte de l’antique usage, Papnomma lui-même à cette haute fonction lui iik, de la famille d’Aghbianos, rivale de celle de l’Illuminateur. Ain^i l’i 1 1 créée par un ennemi du pouvoir .lui. l l’indépendance religieuse de l’Arménie. Saint Basile revendiqua naturellement les droits de son si l’juslus, v, 29, dans Langlois, t. i, p. 293, 294 ; il trouva